Deux œuvres offertes par le Cercle des mécènes

Deux œuvres préparatoires aux décors du Capitole ont été acquises par le Cercle des mécènes et offertes à la mairie de Toulouse pour le musée des Augustins. Ces acquisitions viennent intelligemment compléter un fonds en lien avec les décors du Capitole déjà conséquent dans les collections du musée.

Ce dernier étant en effet le conservatoire des décors peints et sculptés déposés au gré des évolutions du bâtiment, ces achats confortent les liens étroits entre le musée des Augustins et le Capitole, et la place de choix que le musée occupe dans l’histoire de Toulouse.

Quelles sont ces œuvres ?

« La Visite au sculpteur » d’Edouard Debat-Ponsan (Toulouse, 1847 - Toulouse 1913)

"La Visite au sculpteur" (étude pour la salle des Illustres au Capitole,  1897)
Crédit photo - musée des Augustins- Daniel Martin

Debat-Ponsan participa aux grands chantiers toulousains de la fin du XIXe siècle, dont celui du Capitole. Dans la salle des Illustres, on lui attribue un pan de mur, qu’il choisit de consacrer à l'épisode supposé de la visite du cardinal Loménie de Brienne au sculpteur François Lucas en 1775 sur le chantier du grand bas-relief du port de l'Embouchure à Toulouse.

Président des États généraux du Languedoc et premier ministre du roi Louis XVI, le cardinal Loménie de Brienne est ici représenté en visite sur le chantier des Ponts-Jumeaux, lieu qui rappelle la construction essentielle du canal de Brienne (1775-1776) décidée par les Etats de Languedoc en 1760.

Ce canal, en facilitant la navigation entre la Garonne au centre de Toulouse et le canal du Midi, complète l’œuvre de Riquet. Debat-Ponsan représente le prélat en personnage éclairé, inscrit dans l’époque des Lumières qui, au-delà de son rôle d’ecclésiastique, se préoccupe des choix urbanistiques qui vont métamorphoser la ville, en l’occurrence rendre le centre-ville de Toulouse accessible par voie d'eau. Dans cette scène aux accents francs-maçons, le maillet et le ciseau rappellent que ces outils servent au compagnon et à l'apprenti pour tailler la pierre : ces deux fonctions forment avec le maître les trois grades essentiels de la franc-maçonnerie. Le compas tenu par l'ouvrier est un objet de calcul censé dépasser le sujet, tandis que l'escalier à trois marches en forme d'équerre est le symbole de l'édifice.

Comme dans la plupart de ses œuvres, l’artiste recourt à des tons sourds dominés par le brun, le gris et le blanc que rehaussent quelques rares taches de couleur, sur les manchettes de la chasuble de l'évêque, l'ombrelle d'une femme sur le pont et le foulard d'une autre femme.

La plupart de ces détails sont parfaitement posés dans l’esquisse, très proche de l’œuvre définitive. Ce petit tableau n’est pas une étude préparatoire technique mais sans un petit modello ayant permis à l’artiste de partager son idée avant sa réalisation en grand format.

« Apollon et les Arts » de Paul Gervais (Toulouse, 1859 - Toulouse, 1944)

 "Apollon et les Arts" (étude pour le plafond de la galerie des Illustres à Toulouse, 1897) 
Crédit photo - musée des Augustins- Daniel Martin

Originaire de la ville, formé à l’École des beaux-arts de Toulouse puis dans l’atelier de Gérôme à l’École des beaux-arts de Paris, Paul Gervais fut le plus prolifique d’entre eux. Les œuvres qu’il produisit pour l’hôtel de ville de Toulouse s’inscrivirent dans la lignée de ses décors de lieux de plaisirs mondains, cafés et grands hôtels. Pour l’ancienne salle des mariages, notamment, l’artiste offrit plusieurs illustrations voluptueuses de l’amour comme source de vie, en peignant quatre panneaux représentant autant d’allégories des différents âges de l’amour (1911), la salle fut ensuite rebaptisée à son nom.

Dans cette étude réalisée pour le plafond, mise au carreau, la composition est bien installée : il s’agit vraisemblablement de la dernière étape avant la réalisation de l’œuvre définitive. Tous les personnages et tous les éléments sont en place sur fond de ciel bleu et rose, dans le cadre contraint déterminé par l’architecture de la Salle des Illustres. On retrouve le sens décoratif caractéristique de Paul Gervais, de même que sa touche très libre et les teintes porcelainées qu’il affectionne.

Ici comme dans les autres œuvres qu’il réalise pour le Capitole, les références historiques et allégoriques ne constituent qu’un vague alibi au déploiement d’une composition emphatique exclusivement habitée de voluptueuses femmes nues : la valeur décorative des motifs, peints avec fougue par Gervais, l’emporte incontestablement sur le sens. Les allégories, réalisées avec un savoir-faire technique issu des leçons de l’École des beaux-arts mais privées de leurs attributs traditionnels, surgissent des nuées pour séduire et étourdir le spectateur.