Le petit savoyard, une icône sociale

12 juin - Journée mondiale de lutte contre le travail des enfants

Chaque 12 juin l’Organisation Internationale de Travail commémore la Journée mondiale de lutte contre le travail des enfants.

Bien que de nombreux progrès aient été réalisés dans la réduction du travail des enfants au fil de l'histoire, ces dernières années ont vu les tendances mondiales s'inverser, le sujet reste donc encore malheureusement d'actualité.

« Le petit savoyard » d’Auguste de Châtillon (1808-1891), un tableau acquis en 2020 par le musée des Augustins, fait écho à cette anomalie sociétale.

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Une couche de suie qui recouvre l’enfant en haillons, du pain pour seul aliment de subsistance, sont les morceaux de bravoure qui captent la composition et la puissance insolente de l’image.

Si la portée de cette œuvre peinte en 1845 semble évoluer vers une virtuosité accentuée d’une peinture plus sensible que militante, elle s'affirme en marqueur de son temps. Ce XIXème siècle où la misère sociale et les tragiques conditions de travail de la classe ouvrière soufflent un vent de révolte prolétarienne et portent le débat des injustices sociales parmi les intellectuels et les cercles artistiques engagés.

La figure iconique du petit ramoneur, emblème du Pays de Savoie, synonyme de vaillance, de bravoure et de courage n’est autre, durant cette période sombre, que le témoignage pictural d'une migration saisonnière vers les bassins d'emploi citadins et de l’exploitation enfantine.

Auguste de Châtillon - Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Peintre mais aussi poète membre de la « Bohème du doyenné » , Châtillon était un proche de Théophile Gautier, Gérard de Nerval et Victor Hugo qu’il portraitura à plusieurs reprises en compagnie de ses enfants.

Hugo combattait la misère, "cette maladie du corps social" disait-il. Il défendait les plus fragiles, les plus démunis à la tribune de l’Assemblée nationale mais aussi jusque dans son œuvre poétique « Les contemplations » et son sublime poème en alexandrins « Melancholia » :

« Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?

Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?

Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?

Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;

Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement

Dans la même prison le même mouvement.

... »

[Extraits]

L’aura de Victor Hugo influença à l'évidence ce bouillant cénacle contestataire. Presque quarante ans après cette toile de Châtillon, la puissance narrative en plus, Emile Zola portait lui aussi la voix des indigents avec « Germinal » (1884) et ses gueules noires.

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* groupe de jeunes écrivains et artistes de l’intelligentsia romantique qui se réunissait impasse du Doyenné, un ancien quartier place du Carrousel au cœur du Louvre rasé lors des grands travaux haussmanniens. 
Lire le recueil de poésies de Châtillon.